Le cadre juridique de la copropriété connaît en 2025 des transformations majeures issues des réformes législatives adoptées depuis 2020. Ces mutations normatives répondent aux défis contemporains de la gestion immobilière collective: transition écologique, digitalisation des procédures et protection renforcée des copropriétaires. L’ordonnance du 30 octobre 2024 a considérablement modifié la loi du 10 juillet 1965, socle historique du régime. Ces dispositifs innovants redéfinissent l’équilibre entre droits individuels et collectifs, tout en simplifiant la gouvernance des immeubles. Examinons les principes fondamentaux et les applications pratiques qui structurent désormais ce domaine juridique complexe.
L’Évolution du Statut Juridique et de la Gouvernance des Copropriétés
Le statut juridique des copropriétés s’est substantiellement transformé avec l’entrée en vigueur de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023, consolidée par les décrets d’application de janvier 2025. La copropriété se définit désormais comme un « ensemble immobilier dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes ». Cette définition intègre explicitement les ensembles immobiliers complexes, incluant les résidences services et les immeubles à usage mixte.
La personnalité morale du syndicat des copropriétaires a été renforcée, lui conférant une capacité juridique élargie. Le syndicat peut désormais engager des actions judiciaires sans autorisation préalable de l’assemblée générale dans certaines situations d’urgence définies par l’article 15-3 de la loi de 1965 modifiée. Cette évolution facilite la protection des intérêts collectifs face aux atteintes aux parties communes ou aux infractions au règlement.
Le conseil syndical voit son rôle considérablement étendu. Au-delà de sa mission d’assistance et de contrôle du syndic, il dispose maintenant d’un pouvoir décisionnel pour des actes de gestion courante dont le montant n’excède pas 5% du budget prévisionnel. Cette délégation de compétence, encadrée par l’article 21-4 nouveau, permet une réactivité accrue dans la gestion quotidienne de l’immeuble.
L’innovation majeure réside dans la création du statut de « référent d’immeuble« , désigné parmi les membres du conseil syndical. Ce référent dispose d’une délégation permanente pour superviser les interventions techniques urgentes et représenter la copropriété auprès des tiers pour les affaires courantes. Sa responsabilité civile est couverte par une assurance obligatoire souscrite par le syndicat.
Les modalités de prise de décision ont été assouplies. Les assemblées générales peuvent désormais se tenir intégralement par voie dématérialisée, sans restriction de sujets à l’ordre du jour. Le vote électronique est validé comme modalité de droit commun, tandis que le vote par correspondance s’effectue via une plateforme sécurisée. Les majorités requises ont été simplifiées: la distinction entre majorité simple et majorité absolue de l’article 25 a été supprimée au profit d’un régime unifié à la majorité des voix exprimées pour la plupart des décisions de gestion courante.
La Digitalisation et la Dématérialisation des Procédures
La révolution numérique du droit de la copropriété s’est concrétisée avec l’adoption du décret n°2024-487 du 15 mars 2024 établissant un cadre légal complet pour la dématérialisation. L’extranet de copropriété, autrefois facultatif, est devenu obligatoire pour toutes les copropriétés de plus de 10 lots depuis le 1er janvier 2025. Cette plateforme constitue désormais le portail digital officiel regroupant l’ensemble des documents et informations relatifs à la vie de la copropriété.
L’authentification des copropriétaires s’effectue via France Connect, garantissant une sécurité optimale des accès. Chaque copropriétaire dispose d’un espace personnel où sont centralisés les documents spécifiques à son lot (appels de fonds, quittances, relevés de charges). La notification électronique des convocations aux assemblées générales est désormais le mode de communication par défaut, sauf opposition explicite du copropriétaire.
Le processus décisionnel a été profondément modernisé avec l’introduction de la consultation électronique continue. Ce mécanisme permet de soumettre certaines décisions au vote des copropriétaires en dehors des assemblées générales, via la plateforme sécurisée. Les décisions prises selon cette procédure ont la même valeur juridique que celles adoptées en assemblée traditionnelle, sous réserve du respect des règles de quorum et de majorité.
L’archivage numérique certifié
L’archivage des documents de copropriété bénéficie désormais d’un cadre juridique précis. Les documents numérisés et conservés selon les normes NF Z42-013 et ISO 14641 ont la même valeur probante que les originaux papier. Le registre dématérialisé de la copropriété, tenu par le syndic, doit être conservé pendant une durée minimale de dix ans et transmis intégralement en cas de changement de syndic.
La tenue des assemblées générales hybrides ou intégralement virtuelles est désormais encadrée par des dispositions spécifiques. Le système de visioconférence doit permettre l’identification certaine des participants, garantir la confidentialité des votes, et assurer l’enregistrement intégral des débats. Ces enregistrements constituent des preuves légales en cas de contestation et doivent être conservés pendant le délai de prescription des actions en nullité (deux mois).
L’intelligence artificielle fait son entrée dans la gestion des copropriétés avec des outils d’aide à la décision certifiés par l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information). Ces systèmes permettent notamment l’analyse prédictive des consommations énergétiques, la détection préventive des dysfonctionnements techniques et l’optimisation des contrats de maintenance. Toutefois, la responsabilité humaine reste entière, les décisions automatisées devant être systématiquement validées par le syndic ou le conseil syndical.
Les Obligations Environnementales et Énergétiques Renforcées
La dimension environnementale s’impose comme pilier central du droit de la copropriété en 2025. Le décret n°2024-215 du 12 février 2024 a concrétisé les ambitions de la loi Climat et Résilience en fixant des objectifs contraignants pour les copropriétés. Désormais, toutes les copropriétés dont les bâtiments présentent une performance énergétique inférieure au niveau C du DPE doivent obligatoirement constituer un fonds de travaux écologiques distinct du fonds de travaux classique.
Ce fonds spécifique doit être alimenté annuellement à hauteur minimale de 5% du budget prévisionnel pour les immeubles classés D ou E, et 8% pour ceux classés F ou G. Ces montants sont déductibles fiscalement pour les copropriétaires, à condition que le syndicat adopte un plan pluriannuel de travaux énergétiques dans les deux ans suivant la constitution du fonds.
L’audit énergétique, autrefois simplement recommandé, devient obligatoire tous les cinq ans pour les copropriétés de plus de 50 lots et tous les sept ans pour les autres. Cet audit doit désormais intégrer une analyse du cycle de vie des matériaux et proposer des scénarios de rénovation compatibles avec l’objectif national de neutralité carbone. Le non-respect de cette obligation expose le syndicat à une astreinte administrative pouvant atteindre 150€ par lot et par mois de retard.
Les critères bioclimatiques s’imposent dans la gestion des espaces extérieurs des copropriétés. L’article R.173-4 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable au 1er janvier 2025, interdit la suppression des espaces végétalisés existants et impose un coefficient minimal de pleine terre de 30% pour toute rénovation d’ampleur des espaces extérieurs. Cette exigence s’accompagne d’une obligation de biodiversité, avec l’installation de dispositifs favorisant la faune locale (nichoirs, hôtels à insectes).
Le carnet d’information du logement (CIL), rendu obligatoire par la loi Climat et Résilience, est désormais intégré à la plateforme numérique de la copropriété. Ce document évolutif recense l’ensemble des interventions d’entretien et de rénovation réalisées sur les parties privatives et communes impactant la performance énergétique. Sa mise à jour incombe conjointement au copropriétaire pour son lot privatif et au syndic pour les parties communes.
- Les copropriétés disposent d’un délai de mise en conformité échelonné selon leur taille: avant fin 2025 pour les copropriétés de plus de 200 lots, mi-2026 pour celles de 50 à 200 lots, et fin 2026 pour les autres
- Les sanctions pour non-conformité aux obligations environnementales incluent désormais l’impossibilité de percevoir certaines aides publiques à la rénovation et l’application d’une majoration de la taxe foncière pouvant atteindre 15%
La Protection Renforcée des Copropriétaires et la Prévention des Contentieux
La protection juridique des copropriétaires connaît une avancée majeure avec l’instauration du médiateur de la copropriété par la loi n°2024-112 du 28 janvier 2024. Ce dispositif rend obligatoire le recours à la médiation préalable pour tous les litiges dont la valeur est inférieure à 15 000€. Le médiateur, désigné sur une liste établie par les cours d’appel, dispose d’un délai de trois mois pour proposer une solution amiable avant que le litige ne puisse être porté devant les tribunaux.
L’information des copropriétaires a été considérablement renforcée. Le document d’information précontractuelle (DIP) doit désormais être remis à tout nouvel acquéreur au moins quinze jours avant la signature de l’avant-contrat. Ce document standardisé présente une synthèse complète de la situation juridique, financière et technique de la copropriété, incluant les procédures en cours et les travaux prévisionnels à cinq ans.
La lutte contre les copropriétaires défaillants bénéficie d’un cadre procédural simplifié. L’article 19-2 révisé de la loi de 1965 permet désormais au syndic d’obtenir une ordonnance d’injonction de payer par voie électronique, via une procédure dématérialisée accessible depuis la plateforme de la copropriété. Cette procédure accélérée réduit considérablement les délais de recouvrement des charges impayées.
La responsabilité du syndic a été précisée par le décret n°2024-378 du 5 mars 2024. Ce texte établit une obligation de résultat concernant la conservation des parties communes et la mise en œuvre des décisions d’assemblée générale. Le syndic engage sa responsabilité professionnelle en cas de retard injustifié dans l’exécution des travaux votés ou de défaut de souscription des assurances obligatoires. Les pénalités forfaitaires en cas de manquement sont désormais fixées à 10% du montant des honoraires annuels.
Le statut des logements loués en copropriété fait l’objet d’une attention particulière. Le bailleur copropriétaire doit obligatoirement annexer au contrat de location un extrait du règlement de copropriété et informer le locataire des décisions d’assemblée générale susceptibles d’affecter ses conditions d’occupation. Réciproquement, le locataire peut désormais assister, sans droit de vote, aux assemblées générales traitant de questions affectant l’usage des parties communes (travaux, modification du règlement).
Les copropriétés en difficulté bénéficient d’un dispositif préventif renforcé. Le diagnostic global devient obligatoire pour les copropriétés présentant des impayés supérieurs à 15% du budget pendant deux exercices consécutifs. Ce diagnostic, réalisé par un expert indépendant, analyse l’ensemble des dimensions de la copropriété (technique, financière, juridique, sociale) et propose un plan de redressement adapté avant que la situation ne dégénère en procédures judiciaires coûteuses.
Les Mutations Structurelles et l’Adaptation aux Nouveaux Modes d’Habiter
Le droit de la copropriété s’adapte aux évolutions sociétales avec la reconnaissance juridique de formes hybrides d’habitat collectif. La loi n°2024-289 du 17 février 2024 a créé un cadre juridique spécifique pour les résidences intergénérationnelles, combinant logements privatifs et espaces partagés étendus. Ces ensembles immobiliers bénéficient d’un régime juridique assoupli, avec des règles de majorité adaptées pour la gestion des espaces communs à usage partagé.
La division des lots et la surélévation d’immeubles sont facilitées par une procédure simplifiée. L’article 35 modifié de la loi de 1965 permet désormais au syndicat de vendre les droits à construire sur le toit de l’immeuble à la majorité de l’article 25, contre une majorité qualifiée auparavant. Cette évolution favorise la densification verticale urbaine, sous réserve que les fonds récoltés soient affectés en priorité à la rénovation énergétique de l’immeuble existant.
Les copropriétés horizontales, longtemps traitées selon les mêmes règles que les immeubles verticaux, bénéficient désormais d’un régime adapté. Le décret n°2024-512 du 25 mars 2024 introduit des dispositions spécifiques concernant notamment l’entretien des voiries privées, la gestion des réseaux enterrés et la répartition des charges liées aux espaces verts. La notion de « parties communes spéciales » est étendue pour permettre une individualisation plus fine des charges selon l’usage réel des équipements.
L’essor du coliving et des résidences services trouve une traduction juridique avec l’introduction dans la loi d’un statut spécifique pour les « copropriétés à services intégrés ». Ce régime permet de distinguer clairement les charges liées aux services optionnels (conciergerie, espaces de coworking, services à la personne) des charges obligatoires traditionnelles. Un contrat de services distinct du règlement de copropriété encadre ces prestations, avec possibilité de résiliation annuelle.
La scission de copropriété est facilitée pour les ensembles immobiliers complexes. La procédure, autrefois extrêmement lourde, est simplifiée lorsque les bâtiments présentent une autonomie technique et fonctionnelle. La scission peut désormais être décidée à la majorité de l’article 25 si elle est recommandée dans le cadre d’un audit global de la copropriété. Cette évolution permet d’adapter la gouvernance à la réalité physique des ensembles immobiliers hétérogènes.
- Les syndicats secondaires bénéficient d’une autonomie renforcée, avec possibilité de gérer directement leur budget de fonctionnement et de décider des travaux spécifiques à leur bâtiment sans validation systématique par le syndicat principal
L’intégration des technologies connectées dans l’immeuble fait l’objet d’un encadrement juridique précis. L’installation d’équipements domotiques dans les parties communes (contrôle d’accès, gestion technique centralisée, capteurs divers) doit respecter le règlement général sur la protection des données. Le syndic, considéré comme responsable de traitement, doit tenir un registre des dispositifs installés et garantir aux copropriétaires un droit d’accès et de rectification concernant leurs données personnelles collectées.
